dimanche 28 juin 2009

Christian Faure: Le projet culturel de Vichy. Folklore et révolution nationale 1940-1944

Folklore et Révolution nationale entretiennent un rapport étroit pendant le gouvernement de Vichy. Le folklore touche l’instruction, la jeunesse, l’agriculture, l’équipement, la propagande… légitimé en cela par la science ethnologique. Son concept, étroitement imbriqué à celui du régionalisme, en appelle au système de représentation de tout un peuple et incite la société à rechercher son identité culturelle dans un espace clos où langues, savoir-faire, habitats, fêtes, arts populaires… en deviennent les signes majeurs.

La communauté ethnique reconnue ici est le paysan et son corollaire l’artisan. L’affirmation d’une appartenance s’accompagne d’un programme de retour aux traditions, aux ancêtres, à la communauté, à travers la pureté de la race, et fait du folklore, par glissements successifs du jeu à la science, de la science à la reconstruction du visage de la France, un modèle normatif, partie intégrante de l’idéologie vichyssoise. Le folklore comme forme et sens de la Révolution nationale livre, à travers ses apologies renouvelées du terroir, le racisme de l’ordre nouveau et la paix sociale, fondements de sa durée.

lundi 22 juin 2009

William Styron: Face aux ténèbres - Chronique d'une folie

Nous ne croyons pas à l'Enfer, nous sommes incapables de l'imaginer, et pourtant il existe, on peut s'y retrouver brusquement au-delà de toute expression. Telle est la leçon de ce petit livre magnifique et terrible.

Récit d'une dépression grave, avec son cortège d'angoisses, d'insomnies, de "rafales dévastatrices", de tentations de suicide, il nous montre pour la première fois ce qu'est réellement cette "tempête des ténèbres" intérieure qui peut frapper n'importe qui à chaque instant, mais peut-être plus particulièrement certains écrivains ou artistes. Hemingway, Virginia Woolf, Romain Gary, Primo Levi, Van Gogh: la liste de ces proies désignées de l'ombre serait longue.

Enfer, donc, comme celui de Dante, douleur sans autre issue que celle de l'autodestruction, état de transe incommunicable que ne soupçonnent pas les autres, pas même les psychiatres. Pourtant, la guérison est possible, on peut en tirer une connaissance nouvelle. Avec précision et courage, le grand romancier qu'est William Styron plaide ici à la fois pour une meilleure compréhension de notre prochain abîmé dans l'horreur, et contre le goût du néant qui nous guette tous.

vendredi 19 juin 2009

Pascale Goetschel, Emmanuelle Loyer: Histoire culturelle de la France de la Belle Epoque à nos jours

Le lecteur d'une Histoire culturelle de la France de la Belle Epoque à nos jours s'attend sans doute à y découvrir les grands traits de l'évolution des idées, de la littérature et des arts. Il les trouvera. Les jeux d'influence entre les artistes, les ruptures dans la création et les grandes réflexions du siècle y sont largement analysés.

Mais par-delà les formes d'une culture que l'on pourrait qualifier de noble, d'autres pratiques s'imposent. Les chansons du music-hall, les manifestations sportives, le cinéma et la lecture dits populaires, les émissions radiophoniques ou télévisuelles, la mode même apportent leur contribution à l'édifice.

Parallèlement, les grands champs disciplinaires connaissent une hiérarchie mouvante: tour à tour, philosophes ou chercheurs en sciences humaines, biologistes ou physiciens occupent le devant de la scène. Quant aux réseaux qui unissent les représentants du monde intellectuel et aux liens noués grâce aux amitiés ou aux appartenances politiques, ils permettent de préciser les contours d'une sociabilité toute particulière. Ainsi, en ce début de XXIe siècle, cet ouvrage apparaît comme un précieux outil pour le lecteur en quête de repères touchant à la culture contemporaine.

dimanche 14 juin 2009

Anne-Marie Bertrand: Les bibliothèques

Les bibliothèques sont de plus en plus présentes et visibles dans le paysage culturel et politique, que ce soit par leur actualité (le renouveau des bibliothèques universitaires), par leur succès public (presque 7 millions de personnes inscrites dans les bibliothèques municipales) ou par les interrogations que suscite la documentation électronique. Cet ouvrage a pour ambition d’éclairer le mouvement d’expansion et de modernisation des bibliothèques, mais aussi leur fragilité et les enjeux dont elles sont porteuses. Le premier tiers du livre situe les bibliothèques dans une perspective historique. Sont ensuite abordés successivement l’organisation administrative et fonctionnelle des bibliothèques, les différents rôles qu’elles jouent et leurs publics. La conclusion examine l'avenir des bibliothèques face au défi du numérique.

samedi 13 juin 2009

Georges Courade: L'Afrique des idées reçues

"L'Afrique reçoit plus d'argent qu'elle n'en rembourse. Ce sont les Africains les plus pauvres qui migrent vers l'Europe. Le tribalisme explique tous les conflits. L'Afrique n'est pas prête pour la démocratie. La solidarité africaine relève de la générosité. Les Africains sont tous polygames. L'agriculture africaine est archaïque et figée. Les cultures de rente concurrencent les cultures vivrières. Les Africaines font trop d'enfants et sont soumises. L'économie informelle est la voie pour un développement à l'africaine". Qui n'a pas entendu ou lu ce florilège d'idées reçues sur l'Afrique subsaharienne?

Si elles cherchent à expliquer le "naufrage" du sous-continent, elles traduisent aussi souvent peurs, arrogance ou mépris et désespérance. Tout ceci débouche sur des visions de l'Afrique criminelle ou victime, exploitée ou suicidaire selon le type de responsabilités que l'on veut établir devant le tribunal de l'histoire.

En utilisant les savoirs acquis et en identifiant la part de vérité et d'erreur que les idées reçues peuvent receler, cet ouvrage, sans complaisance, mais avec lucidité, donne à voir une Afrique complexe et plurielle qui ne peut se réduire à des représentations schématiques.

vendredi 12 juin 2009

Serge Latouche: Petit traité de la décroissance sereine

"La décroissance n'est pas la croissance négative. Il conviendrait de parler d'a-croissance, comme on parle d'athéisme. C'est d'ailleurs très précisément de l'abandon d'une foi ou d'une religion (celle de l'économie, du progrès et du développement) qu'il s'agit.

S'il est admis que la poursuite indéfinie de la croissance est incompatible avec une planète finie, les conséquences (produire moins et consommer moins) sont encore loin d'être acceptées. Mais si nous ne changeons pas de trajectoire, la catastrophe écologique et humaine nous guette. Il est encore temps d'imaginer, sereinement, un système reposant sur une autre logique: une société de décroissance".

mercredi 10 juin 2009

Anne et Marine Rambach: Les nouveaux intellos précaires

Précaires de la presse ou de l'édition, enseignants ou chercheurs jetables, architectes sous-payés ou stagiaires au musée, depuis 2001, avec la sortie du livre d'Anne et Marine Rambach, ils portent un nom: les intellos précaires. On découvrait cette population au destin paradoxal: diplômée et compétente, studieuse et créative, elle vit, pas toujours mal, dans des conditions de grande précarité - avenir incertain, revenus fluctuants, déni de droits. Malgré une couverture sociale minimale ou inexistante, les intellos précaires continuent à exercer ces métiers qu'ils ont choisis par passion.

On annonçait alors leur disparition: les baby-boomers partant à la retraite, les OS de l'intellect n'allaient pas tarder à prendre leur place et, enfin, s'embourgeoiser.

Mais non. Les plans de titularisation de la fonction publique ont fait long feu, les postes abandonnés par les jeunes retraités sont supprimés, et puis, surtout, les entreprises et les institutions ont pris goût à cette main-d'oeuvre si flexible et si économique.

La précarité a le vent en poupe.

Disons-le: l'intello précaire est le modèle secret du patronat. Il n'est pas précaire, il est indépendant. Il n'est pas soumis, il est professionnel. Il n'est pas sous-payé, il est compétitif. Même quand il est de gauche, il est ultra-libéral.

Reste une question: mal défendus par les syndicats et rêve inavoué du patronat, jusqu'où iront les intellos précaires dans la soumission et la paupérisation?

Réforme de la recherche, réforme des universités, réforme de l'audiovisuel, réforme de la presse écrite, les intellos précaires sont au coeur de l'actualité. Le savent-ils? Qu'en pensent-ils? Vont-ils se faire entendre un jour?

lundi 8 juin 2009

Pierre Notte: Deux petites dames vers le Nord

Elles sont sœurs, et âgées. Un peu tassées, peut-être. Arrondies par le temps. A la mort de leur mère (quatre-vingt-dix-sept ans), Annette et Bernadette réalisent qu'elles n'ont jamais revu la tombe de leur père, enterré vingt-cinq ans plus tôt du côté du Nord. Elles décident alors de partir comme à l'aventure, embrasser papa et lui dire que maman est morte.

H.P. Lovecraft: L'affaire Charles Dexter Ward

Echappé de Salem lors de la grande chasse aux sorcières, Joseph Curwen vint s'établir à Providence où il mourut en 1771. Un siècle et demi plus tard, la découverte de sa tombe par son descendant Charles Dexter Ward sera la première étape d'un drame qui conduira le jeune homme à perdre la raison...

Le Dr. Marinus B. Willett, un vieil ami de la famille, enquête sur cette étrange affaire où chaque pas en avant vers la découverte de la vérité révèle des horreurs innommables. Pourquoi, par exemple, l'écriture du jeune Ward devient-elle peu à peu semblable à celle de Joseph Curwen, le paria terrible?