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samedi 21 août 2010

Lawrence W. Levine : Culture d'en haut, culture d'en bas. L'émergence des hiérarchies culturelles aux États-Unis

Comment la culture aux États-Unis est-elle passée d'une réalité partagée par des publics socialement diversifiés à un univers clairement séparé des pratiques de divertissement et réservé à une élite ? Pour répondre à cette question, l'historien américain Lawrence W. Levine retrace la trajectoire, au tournant des 19e et 20e siècles, des formes d'expression qui constituent aujourd'hui la culture "savante" : théâtre - en particulier shakespearien, sur lequel il s'attarde pour montrer à quel point le spectateur ordinaire s'était approprié le répertoire et se manifestait durant les spectacles -, opéra, musique symphonique, musées.

Levine enquête à la fois sur le langage employé pour évoquer et classer les biens culturels, sur les institutions mises en place par les élites urbaines pour imposer leurs normes et sur les pratiques des spectateurs et leurs résistances. Par un processus de "sacralisation" et de "bifurcation", la riche "culture publique partagée" qui caractérisait les États-Unis jusqu'au milieu du 19e siècle se serait fracturée en cultures séparées et hiérarchisées. L'auteur analyse ainsi les rapports de pouvoir à l'œuvre dans la définition, l'organisation et la réception de la culture. Il montre comment la notion même de culture s'est trouvée étroitement associée aux notions d'ordre et de hiérarchie, et comment les publics ont été "disciplinés".

 Devenu une référence outre-Atlantique, Culture d'en haut, culture d'en bas a renouvelé la compréhension de la réception des œuvres, de la légitimité culturelle, des politiques culturelles et de la place des publics dans les institutions.

dimanche 30 août 2009

Emile Durkheim: L'individualisme et les intellectuels

Si les intellectuels "refusent obstinément d'incliner leur logique devant la parole d'un général d'armée, c'est qu'ils s'arrogent le droit de juger par eux-mêmes de la question; c'est qu'ils mettent leur raison au-dessus de l'autorité". Ainsi Durkheim résume-t-il la ligne de front anti-dreyfusarde: faire le procès de l'individualisme, qui serait "cette grande maladie du temps présent".

Durkheim, dreyfusard de la première heure, même s'il n'a pas signé le Manifeste des intellectuels en 1898, s'emploie à réfuter cette idée de l'individualisme dans son article "L'individualisme et les intellectuels". Il y développe une conception noble, prônant les droits et les libertés de l'individu, conscient du bien commun, tout à fait contraire à une défense de l'intérêt particulier. En formulant cette riposte, le sociologue clarifie ses positions, au fondement de son œuvre: "Etre individualiste tout en disant que l'individu est un produit de la société".

jeudi 14 mai 2009

Chantal Horellou-Lafarge, Monique Segré: Sociologie de la lecture

L'écrit s'impose désormais dans tous les secteurs de la vie sociale, et la lecture est devenue une activité quotidienne pratiquée par presque tous les Français. La lecture longtemps restée élististe ne serait-elle plus, du fait de sa généralisation, une pratique de "distinction"? Serait-elle devenue une banale activité de consommation culturelle soumise aux lois du marché? Quel est son avenir face aux nouvelles techniques de communication?

La pratique de la lecture n'est pas homogène, elle prend de multiples formes adaptées à la diversité et à la multiplicité des textes. Les manières de lire, les conditions et les contenus de la lecture se différencient selon les publics.

Après avoir retracé l'évolution des techniques de fabrication et de diffusion de l'écrit, l'expansion progressive mais contrôlée de la capacité à lire de l'ensemble des groupes sociaux, cet ouvrage s'attache à cerner les différents contours et significations de cette pratique culturelle "pas comme les autres" qu'est la lecture, à identifier la diversité sociale des usages de l'écrit et ses modes d'appropriation.

vendredi 21 novembre 2008

Bruno Latour: La fabrique du droit - Une ethnographie du Conseil d'Etat

Le recours aux liens juridiques prend chaque jour dans nos sociétés une importance grandissante. Il existe pourtant peu d'études empiriques sur la fabrique quotidienne du droit. Alors que la très grande technicité de la matière juridique réserve le droit aux juristes de profession, la sociologie croit souvent pouvoir s'en
débarrasser en l'expliquant par les rapports de forces qu'il ne ferait que dissimuler. La méthode ethnographique se trouve donc particulièrement bien ajustée à l'analyse du droit au quotidien. C'est toute l'originalité de cette étude ethnographique du Conseil
d'État que propose ici Bruno Latour. Il y porte une grande attention aux actes d'écriture, à la fabrication et à la manipulation des dossiers, aux interactions entre les membres, aux particularités du corps des conseillers d'État, mais surtout à la diversité des ressorts qui permettent de bien juger. L'aridité même du droit
administratif français aurait de quoi effaroucher le plus courageux des lecteurs : heureusement, par une grande qualité de style, l'auteur a su à la fois rendre compte de la technicité des jugements et renouer les nombreux liens entre le droit et cette société qui le nourrit et à laquelle il sert, en même temps, de garant. Après une série d'études sur les laboratoires scientifiques, les innovations techniques, le discours religieux, la parole politique,
Bruno Latour continue ici, avec le droit, son programme d'anthropologie systématique des formes contemporaines de véridiction.