samedi 28 août 2010
Åsa Larsson : Weisse Nacht
mardi 17 août 2010
Åsa Larsson : Sonnensturm
lundi 14 juin 2010
Selma Lagerlöf : Les liens invisibles

S'agit-il des présences magiques qui hantent la forêt où des paysans ont tué un ours le jour de Noël, et la lande où une jeune femme visionnaire danse jusqu'à en mourir ? S'agit-il de ces chaînes secrètes qui lient hommes et femmes aux anciens membres de leur famille ? On pourrait aussi penser à la communauté de destin entre la jeune fille bernée par un menteur, la femme liée à la disparition d'une ville sous les eaux ou ces militantes des droits des femmes ou des pauvres...
De terribles spectres passent, cachés derrière un portrait, dissimulés dans une armure ou sous l'habit d'un cocher de fiacre. La nature toujours est présente, des fleurs tranquilles d'un jardin aux vagues grises de la mer et aux grottes de montagne, refuge des renégats. Et Selma Lagerlöf, une fois encore, maîtrise à la perfection ces éléments, des plus austères aux plus luxuriants, pour dresser de changeants décors aux drames humains tissés de culpabilité et d'espoir, de remords et d'amour, tramés de fils qu'hommes et femmes négligent trop souvent mais qui déterminent leurs vies.
lundi 7 juin 2010
Jean Cimon : Odyssée en Suède

Ce récit est accompagné de réflexions personnelles - sur la culture, l'aménagement du territoire et la politique - fortement imprégnées de sa double formation de sociologue et d'urbaniste. Comparant la Suède au Québec, Jean Cimon s'attache à décrire ce qui, à ses yeux, semble rapprocher ces deux peuples nordiques, c'est-à-dire une inquiétude existentielle commune.
S'exprimant en Suède par une forte identité nationale et une émotion refoulée, cette inquiétude se manifesterait au Québec dans une identité ambiguë et une émotion extériorisée. Au gré de ses réflexions, Jean Cimon nous invite à nous interroger sur les ressemblances et les différences de ces deux cultures unies par une même nordicité et entre lesquelles, de son propre aveu, son cœur balance.
jeudi 27 mai 2010
Camilla Läckberg : L'oiseau de mauvais augure

samedi 27 mars 2010
Sara Stridsberg : La faculté des rêves

Dès le début du roman, on entend la voix déterminée de Solanas et on plonge avec elle dans son passé. Sous la forme de souvenirs obsédants apparaissent des conversations avec quelques personnages clés : sa mère, ambiguë et destructrice, le directeur de l'université de psychologie à laquelle elle est admise, Andy Warhol lui-même et son désir obstiné de faire d'elle une matière pour son art, ou encore la psychiatre chargée de son cas après la tentative d'assassinat. Et surtout l'amour fou pour Cosmogirl.
Dans une langue tour à tour poétique et familière, provocante et rassurante, drôle et tragique, Sara Stridsberg accomplit la prouesse de nous plonger dans les méandres de cet esprit tourmenté qui nous poursuivra longtemps après la lecture. Et l'on se surprend à souhaiter tout au long du roman pouvoir arrêter la machine implacable du destin...
samedi 23 janvier 2010
Leif GW Persson : Sous le soleil de minuit

Terrorisme, manipulations politico-financières, compromissions de tous ordres et intrigues de la CIA, le tableau en forme de puzzle que brosse Leif GW Persson est noir, très noir. Mais il en faudrait plus pour décourager le très attachant Lars Martin Johansson, de la Brigade criminelle, qualifié par certains de "seul flic suédois honnête"...
mardi 29 décembre 2009
Camilla Läckberg: Le tailleur de pierre

Son premier réflexe fut de lâcher la corde et de laisser cette chose disparaître dans les profondeurs..."
Un pêcheur de Fjällbacka trouve une petite fille noyée. Bientôt, on constate que Sara, sept ans, a de l'eau douche savonneuse dans les poumons. Quelqu'un l'a donc tuée avant de la jeter à la mer. Mais qui peut vouloir du mal à une petite fille?
Alors qu'Erica vient de mettre leur bébé au monde et qu'il est bouleversé d'être papa, Patrik Hedström mène l'enquête sur cette horrible affaire. Car sous les apparences tranquilles, Fjällbacka dissimule de sordides relations humaines - querelles de voisinage, conflits familiaux, pratiques pédophiles - dont les origines peuvent remonter jusqu'aux années 1920. Quant aux coupables, ils pourraient même avoir quitté la ville depuis longtemps. Mais lui vouer une haine éternelle.
lundi 14 septembre 2009
Vilhelm Moberg: La saga des émigrants / 5. Au terme du voyage

Tandis que l'exploitation de Karl Oskar et de Kristina prospère, et que la maisonnée s'agrandit, le Minnesota devient le trente-deuxième Etat des Etats-Unis d'Amérique. Mais la révolte gronde dans les Etats du Sud. Et lorsque la guerre éclate, Karl Oskar est confronté à la difficulté d'être un citoyen libre, et non plus le sujet d'un souverain. D'autant qu'il est aussi époux et père de famille et que d'autres difficultés le guettent...
17 août 1862: affamées, dépossédées de leurs terres et abusées par le gouvernement du Minnesota qui ne leur a pas versé la somme promise en échange de leurs territoires, les tribus sioux se soulèvent. Karl Oskar peut-il quitter Kristina, alors que celle-ci est affaiblie par une nouvelle grossesse?
Les épreuves passées, les émigrants s'apercevront que la nouvelle génération s'est mêlée, jusqu'à en oublier sa langue d'origine, à celle qui est issue d'autres pays d'Europe pour former la jeune Amérique.
dimanche 16 août 2009
Stieg Larsson: Millénium/3. La reine dans le palais des courants d'air

Le lecteur du deuxième tome l'espérait, son rêve est exaucé: Lisbeth n'est pas morte. Ce n'est cependant pas une raison pour crier victoire: Lisbeth, très mal en point, va rester coincée des semaines à l'hôpital, dans l'incapacité physique de bouger et d'agir. Coincée, elle l'est d'autant plus que pèsent sur elle diverses accusations qui la font placer en isolement par la police. Un ennui de taille: son père, qui la hait et qu'elle a frappé à coups de hache, se trouve dans le même hôpital, un peu en meilleur état qu'elle...
Il n'existe, par ailleurs, aucune raison pour que cessent les activités souterraines de quelques renégats de la Säpo, la police de sûreté. Pour rester cachés, ces gens de l'ombre auront sans doute intérêt à éliminer ceux qui les gênent ou qui savent.
Côté forces du bien, on peut compter sur Mikael Blomkvist, qui, d'une part, aime beaucoup Lisbeth mais ne peut pas la rencontrer, et, d'autre part, commence à concocter un beau scoop sur des secrets d'Etat qui pourraient, par la même occasion, blanchir à jamais Lisbeth. Mikael peut certainement compter sur l'aider d'Armanskij, reste à savoir s'il peut encore faire confiance à Erika Berger, passée maintenant rédactrice en chef d'une publication concurrente.
jeudi 13 août 2009
Maj Sjöwall, Per Wahlöö: La voiture de pompiers disparue

Maj Sjöwall et Per Wahlöö ont écrit, entre 1965 et 1975, une série de dix romans mettent en scène l'enquêteur Martin Beck et son équipe. Cette œuvre, qui a marqué la littérature policière occidentale, est republiée dans des traductions entièrement revues à partir de l'original suédois. La voiture de pompiers disparue a été porté à l'écran par Hajo Gies en 1993.
mercredi 12 août 2009
Jens Lapidus: Stockholm noir/1. L'argent facile

Dans la faune cosmopolite qui peuple ces bas-fonds, Jorge, dealer en cavale, fait figure de fretin. Et sa spectaculaire évasion est loin de le mettre à l'abri: il en sait trop, la pègre veut sa peau. JW, jeune étudiant dont l'ambition ne recule devant rien, ne va plus faire le taxi pendant très longtemps. A l'autre bout de la ville, un membre du cartel yougoslave, Mrado, tente de gagner la garde de sa fille - et son passif d'ogre sociopathe ne joue guère en sa faveur. Dans la ville sans loi, ces trois-là ne vont pas tarder à mettre le feu aux poudres...
samedi 8 août 2009
Henning Mankell: Le cerveau de Kennedy

Qui a tué Henrik? Pas un instant, Louise ne veut croire que son fils unique se soit suicidé. Avec l'énergie du désespoir et une obstination d'archéologue, elle va tenter de reconstituer fragment par fragment les dernières années d'une vie brutalement interrompue. Secondée par Aron, le père d'Henrik qu'elle a déniché au fin fond de l'Australie, Louise découvre que son fils avait une vie secrète, émaillée d'inquiétantes zones d'ombre.
Pourquoi Henrik s'intéressait-il tant au cerveau du président Kennedy, disparu lors de son autopsie? Pourquoi avait-il un appartement clandestin à Barcelone? D'où provenaient les grosses sommes d'argent dont il disposait? Que faisait-il au Mozambique dans un mouroir pour malades atteints du sida? Quand Aron disparaît brusquement sans laisser de traces, Louise comprend qu'elle est aux prises avec des forces occultes qui la dépassent. Au bord du gouffre mais plus déterminée que jamais, ses pas la conduisent au cœur de l'Afrique. Une vérité effroyable l'y attend.
A travers ce récit palpitant et lucide, Henning Mankell exprime sa colère contre le cynisme du monde occidental face au lent naufrage d'un continent rongé par le sida.
vendredi 31 juillet 2009
Vilhelm Moberg: La saga des émigrants / 4. Les pionniers du Minnesota

Quelques années passent. Robert, le frère de Karl Oskar, revient parmi les siens après quatre ans d'absence et de silence. Il a bien changé, physiquement et moralement. Ses convictions et les idéaux qui le firent émigrer sont ébranlés. Il est en proie à une tenace mélancolie et a perdu tout appétit, y compris celui de vivre. La seconde partie du volume est consacrée au récit poignant d'un rêveur parti en quête de l'or, et qui revient avec une vision tragique de la valeur de l'homme et de ses ambitions.
samedi 11 juillet 2009
Vilhelm Moberg: La saga des émigrants / 3. La terre bénie
Robert et Arvid sont tentés par les charmes de "la plus belle rue du monde", Broadway, mais Karl Oskar et Kristina savent qu'il faut poursuivre le voyage. Ensemble, ils apprivoisent le monstre qui crache le feu, la voiture à vapeur, pour se rendre jusqu'au Mississippi.
Quand ils arrivent, l'hiver s'annonce. Il va leur falloir encore une fois se battre pour survivre, encore une fois affronter des difficultés qu'ils croyaient avoir laissées en Suède et s'adapter à un pays au climat rude, peuplé de sauvages à la peau cuivrée, striée de couleurs éclatantes et effrayantes.
Tout est à construire, tout est possible.
lundi 25 mai 2009
Vilhelm Moberg: La saga des émigrants / 2. La traversée

Il fut un temps où la Charlotta était un noble navire de commerce et non un vulgaire transporteur d'émigrants, cette engeance qui s'entasse dans l'entrepont et n'a décidément jamais le pied marin. La vie à bord n'est que tourments: la promiscuité, la saleté, les poux, le scorbut et le mal de mer s'acharnent sur les passagers. Le capitaine Lorentz, vieux loup de mer aigri et solitaire, le sait bien, lui qui prévoit un boisseau de terre de Suède en vue de simuler des funérailles qui se termineront inéluctablement au fond de l'eau.
Après Au pays, La traversée est le récit d'un voyage qui ne devait durer que quelques semaines. Un voyage au bout de soi, une douloureuse épreuve dans la fabuleuse destinée de ces Emigrants.
mardi 19 mai 2009
Camilla Läckberg: Le prédicateur

L'inspecteur Patrik Hedström est chargé de l'enquête en cette période estivale où l'incident pourrait faire fuir les touristes et qui, canicule oblige, rend difficiles les dernières semaines de grossesse d'Erica Falck, sa compagne.
Lentement, le tableau se précise: les squelettes sont certainement ceux de deux jeunes femmes disparues vingt-quatre ans plus tôt. Revient ainsi en lumière la famille Hult, dont le patriarche, Ephraïm, magnétisait les foules accompagné de ses deux petits garçons, Gabriel et Johannes, dotés de pouvoirs de guérisseurs. Depuis cette époque et un étrange suicide, la famille est divisée en deux branches qui se haïssent.
Alors que Patrik assemble les morceaux du puzzle, on apprend que Jenny, une adolescente en vacances dans un camping, a disparu. La liste s'allonge...
Une nouvelle fois, Camilla Läckberg excelle à tisser son intrigue, manipulant son lecteur avec jubilation, entre informations finement distillées et plaisir de nous perdre en compagnie de ses personnages dans une atmosphère provinciale lourde de secrets.
vendredi 1 mai 2009
Camilla Läckberg: La princesse des glaces

A la conquête de la vérité, stimulée par un amour naissant, Erica, enquêtrice au foyer façon Desperate Housewives, plonge dans les strates d'une petite société provinciale qu'elle croyait bien connaître et découvre ses secrets, d'autant plus sombres que sera bientôt trouvé le corps d'un peintre clochard - autre mise en scène de suicide.
Au-delà d'une maîtrise évidente des règles de l'enquête et de ses rebondissements, Camilla Läckberg sait à merveille croquer des personnages complexes et - tout à fait dans la ligne de créateurs comme Simenon ou Chabrol - disséquer une petite communauté dont la surface tranquille cache des eaux bien plus troubles qu'on ne le pense.
mardi 21 avril 2009
Vilhelm Moberg: La saga des émigrants / 1. Au pays

Les paysans du Småland, province du sud-est de la Suède, vivaient paisiblement de leurs terres. En dehors des naissances, des mariages, des enterrements, ils ne connaissaient guère d'autre péripétie que l'alternance des saisons. Vers le milieu du XIXe siècle, cet ordre immuable commença à trembler sur ses bases. Les terres sans cesse divisées par les héritages vinrent à manquer. Et les échos venus d'au-delà de l'Océan donnèrent des envies de liberté.
Au pays est le premier volume de l'épopée de ces gens ordinaires animés du souffle de l'aventure et du formidable espoir de recommencer leur vie.
mercredi 8 avril 2009
A l'école des plumes noires
Anne-Françoise Hivert, Libération, 7 avril 2009
Certains prennent des cours de yoga. D’autres apprennent à écrire un polar. La trentaine, Emma Vretblad, assistante sociale, a opté pour l’écriture. Depuis deux ans, cette petite blonde énergique suit des cours du soir, un mardi sur deux, à la Folkuniversitet de Stockholm. «Au début, c’était juste un hobby. J’avais envie de me mettre à l’écriture, sans savoir comment m’y prendre. J’ai commencé par rédiger une nouvelle. Puis l’histoire a grandi et c’est devenu un livre.» Depuis, elle écrit chaque jour, «le matin surtout», quand son bébé de huit mois fait la sieste. «Evidemment, dit-elle, plus j’avance et plus je me dis que ce serait marrant d’être publiée.»
Emma est loin d’être la seule à rêver de voir son livre trôner un jour dans une librairie. Depuis qu’ils ont fait leur apparition en Suède il y a une dizaine d’années, les ateliers d’initiation à l’écriture de romans policiers se sont multipliés. Et, partout, l’engouement est le même. «On pourrait proposer cinq fois plus de cours, on arriverait encore à les remplir», assure Sören Bondeson, professeur à la Folkuniversitet. Quant aux étudiants, «ils n’ont jamais été aussi sérieux», remarque Johan Wopenka, critique littéraire, membre de l’Académie suédoise du roman noir.
Bondeson confirme. Ses élèves «sont de plus en plus diplômés», avec «des carrières bien établies». Surtout, ils sont «déterminés à terminer un livre et le publier». Certains iront jusqu’à payer de leur propre poche l’édition de leur manuscrit. «Le polar est devenu le support idéal pour ceux qui veulent se livrer à une critique de la société», observe Wopenka. Le genre ne s’est jamais aussi bien porté en Suède, avec plus de 80 nouvelles parutions en 2008, contre une trentaine il y a dix ans. Le succès phénoménal de la série Millénium a encore suscité plus de vocations.
«Avec la crise, j’ai moins de clients, j’ai plus de temps»
Stieg Larsson, défunt auteur de ce best-seller mondial, n’avait pas eu, lui, besoin de cours d’écriture avant de se lancer dans son triptyque. Mais pourquoi se refuser un petit coup de pouce vers la gloire ? Il y a onze ans, Camilla Läckberg travaillait encore pour une compagnie d’électricité à Stockholm. La suite de l’histoire est désormais célèbre. Au Noël de 1998, son frère, sa mère et son mari lui offrent l’inscription à un atelier d’écriture organisé par la maison d’édition Ordfront. Cinq ans plus tard, elle publie son premier roman, la Princesse des glaces. Puis six autres, vendus à plus de 2,5 millions d’exemplaires en Suède et des centaines de milliers à l’étranger.
Asa Larsson et Jens Lapidus sont eux aussi passés par des cours du soir, avant de devenir les nouvelles stars du roman noir à la suédoise. «Quand ils sont arrivés, ils ne connaissaient rien», raconte sans ambages le prof Sören Bondeson. Asa Larsson était juriste à l’Office national des impôts. Jens Lapidus venait de terminer des études de droit. Les cours leur ont permis de «se découvrir». Le reste fut «une question de chance et de timing». Asa Larsson a percé en 2003 avec Horreur boréale. Jens Lapidus, en 2006 avec Stockholm noir, argent facile. Les deux ouvrages, sortis en France en 2006 et 2008, sont devenus des best-sellers en Suède.
Depuis, les agents littéraires se pressent à la sortie de la Folkuniversitet, en quête de nouveaux talents. Sören Bondeson est un homme très convoité. Mais que ses étudiants n’aillent pas se faire des idées. «Quand je les rencontre pour la première fois, je leur dis que, avant de penser à devenir le prochain Stieg Larsson, ils feraient bien de commencer par apprendre à écrire un dialogue ou construire une intrigue», dit-il.
Écrivain et poète, le bonhomme d’une cinquantaine d’années, tout de noir vêtu, donne des cours d’écriture depuis 1993. Il enseigne le polar depuis dix ans. «J’essaie de mettre en garde mes élèves contre toutes les erreurs qu’il m’a fallu dix ans pour apprendre à corriger, en espérant qu’il ne leur en faudra que deux.» Ses livres n’ont jamais été de gros succès commerciaux. Mais il s’en moque, se réjouissant plutôt des progrès de ses étudiants, «dont beaucoup écrivent déjà mieux que Camilla Läckberg», raille-t-il.
Anita Santesson, 43 ans, suit ses cours depuis un an. Cette mère de trois enfants a une petite entreprise de production audiovisuelle à Stockholm. «Avec la crise, j’ai moins de clients, ce qui me laisse du temps», se réjouit-elle. Deux jours par semaine, elle se consacre donc à l’écriture. Son livre, débuté en septembre, fait déjà 250 pages. Il lui en reste plus d’une centaine à rédiger. «C’est une version moderne de Faust, qui se déroule dans une banlieue difficile de Stockholm.» Betty, son héroïne, enseigne l’aérobic dans un lycée, quand elle se retrouve au centre d’un pacte entre le Mal, réincarné dans son voisin ex-drogué, et le Bien, qui a pris les formes d’une femme de ménage haïtienne.
Les cours, assure-t-elle, la font avancer. A chaque séance, les étudiants doivent remettre une vingtaine de pages de leur manuscrit. Chacun reçoit un exemplaire, qu’il devra lire et corriger pour la fois suivante. Les élèves sont une demi-douzaine. Ils ont entre 30 et 45 ans. L’un est juriste dans une banque, l’autre électricien, une troisième a publié déjà deux romans. Les critiques sont dures. Elles portent aussi bien sur la forme que le fond. «Mais c’est pour ça qu’on vient, autrement ça n’aurait aucun sens», observe Emma Vretblad, l’assistante sociale.
«Fais-en plutôt une grosse blonde moche»
Assis en face d’elle, Leffe est en tenue de travail. Il est électricien et suit les cours depuis un an. «Jeune, j’écrivais beaucoup, mais j’ai arrêté à 17 ans. Pourtant, j’ai toujours eu envie de m’y remettre.» Depuis, il n’arrête plus : «J’écris entre deux et trois heures tous les soirs, tout d’une traite, sans faire attention aux erreurs, quand les enfants sont couchés.» Grand amateur de thrillers américains, son héros est un prêteur sur gages, qui va se retrouver accusé à tort d’être un tueur en série et devra prouver son innocence.
Bondeson apprécie le rythme du récit, les personnages plein d’humour, mais il souhaiterait que Leffe tempère «le côté film américain». Par exemple, observe-t-il, «si, aux États-Unis, les médias sont immédiatement sur les lieux d’un crime, c’est pas comme ça que ça marche en Suède». Un autre conseil, à tout le groupe cette fois : «N’oubliez pas de penser à la chronologie. La photo d’un suspect ne peut pas se retrouver à la une des journaux dans la journée. Il faut du temps.»
Anita, elle, est gênée par un des personnages : une hackeuse maigrichonne qui lui rappelle trop la Lisbeth Salander de Stieg Larsson. «Fais-en plutôt une grosse blonde moche», suggère-t-elle. Leffe annote son manuscrit, en promettant de s’attaquer très vite au premier livre de la série Millénium, qu’il n’a toujours pas lu. Sa voisine de gauche, Lina Forss, a déjà publié deux romans et vient de terminer le troisième. Elle se moque de la passion des Suédois pour les cours. «C’est comme si on était incapable de faire quelque chose sans s’être assuré d’abord qu’on savait comment faire», dit-elle.
Mais tout le monde peut-il apprendre à écrire ? «Les cours ne feront certainement pas de n’importe qui un Henning Mankell, mais ils peuvent apporter des règles de base et certaines structures», estime le critique littéraire Johan Wopenka. Bertil Widerberg, fondateur du magazine Jury, consacré au roman policier, approuve : «Beaucoup pensent que les cours ne sont pas nécessaires. On a le talent ou bien on ne l’a pas. Mais, si on ne peut pas aider tout le monde à écrire un best-seller, je pense qu’on peut le faire pour quelques-uns.» L’idée d’enseigner le polar vient d’ailleurs de lui. En 1998, Bertil Widerberg contacte la maison d’édition Ordfront, qui organise déjà des ateliers d’écriture. Il veut inciter les femmes à se lancer dans le polar. «Elles représentaient la moitié du lectorat du roman policier, mais étaient très peu à en écrire.»
Les premiers cours leur sont donc réservés. L’ex-journaliste et critique littéraire Kerstin Matz et la romancière Ulla Trenter acceptent de s’en charger, s’allouant même les services d’un commissaire à la retraite. Ingemar Krusell a enquêté notamment sur l’assassinat, toujours non résolu, du Premier ministre suédois Olof Palme en 1986. Fan d’Ed McBain et d’Elizabeth George, il met en garde les élèves contre «les erreurs habituelles». La différence entre une interpellation et une mise en garde à vue. Les idées reçues sur les indices : «On pense par exemple que c’est facile de trouver de l’ADN, mais j’explique que ce n’est pas toujours le cas.»
«C’est mon mari qui m’a poussée à suivre des cours»
Le succès des cours a été tel qu’ils ont immédiatement proliféré. Il y en a pour tous les prix. Au printemps 2006, Camilla Läckberg animait une semaine de cours à Istanbul, avec la société Ordenrunt. Coût du voyage : 10 000 couronnes (930 euros). Un trimestre à la Folkuniversitet revient à 320 euros. Trois week-ends avec Ordfront à 450 euros. Et deux jours à Stockholm, avec Arne Dahl, à 80 euros.
Certains viennent, puis disparaissent sans laisser de trace. Kerstin Matz, 78 ans, se souvient par exemple de cette dame d’un certain âge, bourrée de talent, qui «avait écrit une histoire extraordinaire» pendant le cours. Depuis, elle n’a plus jamais fait parler d’elle. «Je continue pourtant à espérer tomber sur un de ses livres un jour», confie l’ancienne journaliste, grande admiratrice de Fred Vargas. Mais le succès ne dépend pas seulement du talent. Il faut aussi «beaucoup d’énergie et de volonté» pour finir un livre et le faire publier.
Anne Bovaller, 46 ans, n’en revient toujours pas d’avoir réussi. Son premier roman, la Chasse aux sangliers, sortira en août. Mère de trois enfants, elle travaille comme juriste dans une entreprise de services aériens. «C’est mon mari qui m’a poussée à suivre des cours. Il disait que je parlais trop et n’agissais pas assez.» Le prix, 450 euros, l’a fait hésiter. «C’est le coût d’un voyage.» En 2006, elle s’est finalement lancée. Un an plus tard, elle avait bouclé son premier livre. Elle a contacté une seule maison d’édition, Nordstedt, celle qui a découvert Stieg Larsson. Quelques semaines plus tard, elle signait son premier contrat. Et puis un deuxième, pour un second roman.
En France, Stieg Larsson et Camilla Läckberg sont publiés chez Actes Sud. Horreur boréale, d’Asa Larsson, chez Gallimard ; Stockholm noir, l’argent facile, de Jens Lapidus, chez Plon.