S’il donne son titre au roman, Emmanuel n’est est pas moins une figure essentiellement symbolique : un poupon dans son berceau qui vient remplacer un défunt, et qui sera le prochain à subir les coups de canne comme les mamours de Grand-Mère Antoinette. Le héros, si on peut l’appeler ainsi, c’est son grand frère Jean-Le Maigre, écrivain déchu, frère d’âme du poète d’Une saison en enfer.
Lorsqu’elle écrit Une saison dans la vie d’Emmanuel, Marie-Claire Blais vit dans une chambre minable à Cambridge, dans les relents de la guerre du Vietnam et de l’assassinat de Kennedy. Et comme elle l’explique dans un de ses carnets (Parcours d’un écrivain, 1993), les injustices qui nourrissent son écriture dépassent alors largement le cadre du Québec. “Je ne sais d’où viennent Jean-Le Maigre et sa famille mais pendant que j’écris le roman avec tant de peine, je sais qu’ils existent quelque part. Qu’il me faut parler d’eux pour adoucir la fatalité de leurs destins (…) ils ont été victimes de l’ignorance et de l’oppression religieuse. Ils ont été violés et tués et continuent de mourir tous les jours.”