Comment la culture aux États-Unis est-elle passée d'une réalité partagée par des publics socialement diversifiés à un univers clairement séparé des pratiques de divertissement et réservé à une élite ? Pour répondre à cette question, l'historien américain Lawrence W. Levine retrace la trajectoire, au tournant des 19e et 20e siècles, des formes d'expression qui constituent aujourd'hui la culture "savante" : théâtre - en particulier shakespearien, sur lequel il s'attarde pour montrer à quel point le spectateur ordinaire s'était approprié le répertoire et se manifestait durant les spectacles -, opéra, musique symphonique, musées.
Levine enquête à la fois sur le langage employé pour évoquer et classer les biens culturels, sur les institutions mises en place par les élites urbaines pour imposer leurs normes et sur les pratiques des spectateurs et leurs résistances. Par un processus de "sacralisation" et de "bifurcation", la riche "culture publique partagée" qui caractérisait les États-Unis jusqu'au milieu du 19e siècle se serait fracturée en cultures séparées et hiérarchisées. L'auteur analyse ainsi les rapports de pouvoir à l'œuvre dans la définition, l'organisation et la réception de la culture. Il montre comment la notion même de culture s'est trouvée étroitement associée aux notions d'ordre et de hiérarchie, et comment les publics ont été "disciplinés".
Devenu une référence outre-Atlantique, Culture d'en haut, culture d'en bas a renouvelé la compréhension de la réception des œuvres, de la légitimité culturelle, des politiques culturelles et de la place des publics dans les institutions.